Samedi 10 novembre 2018 – Il est presque 18h quand Thione Niang rentre dans l’auditorium du pavillon Henry F. Hall de l’université Concordia. Le public jeune est impatient de l’entendre parler. Le sujet de la conférence est Impact investing in Africa. On peut traduire cela comme l’investissement à impact social en Afrique.
La salle est bien remplie mais pas comble. C’est dommage. Ce n’est pas tous les jours qu’on a le privilège de recevoir l’un des meilleurs porte-voix de l’Afrique à Montréal. À 37 ans, ce jeune sénégalo-américain a déjà une carrière bien remplie. Leader politique, entrepreneur social, auteur, conférencier, Thione alterne les casquettes avec la facilité d’un caméléon.
Akon lighting Africa
Who is going to fix the electricity if not us ? That’s why I went back.
« Qui le fera si ce n’est nous ? C’est pour cela que je suis rentré. »
Yaoundé, Dakar, capitales africaines pourtant, des problèmes d’électricité y persistent, imaginez les villages, s’exclame-t-il.
De retour en Afrique où il a co-fondé avec le chanteur Akon, et l’homme d’affaires malien Samba Bathily, l’initiative Akon lighting Africa, l’homme fait le tour du continent avec le projet d’électrifier jusqu’au plus petit village de toute l’Afrique. Ils fondent également ensemble Solektra International, société d’énergie solaire et viennent d’inaugurer la première académie dédiée au solaire à Bamako (Mali) pour contribuer au transfert de connaissances. On peut dire que dans un contexte où, plus de 600 millions d’africains n’ont pas accès à l’électricité, le sujet est primordial. Déjà présent dans plusieurs pays, le projet a encore du chemin à faire.
Train one person not only to put the light but to be able to keep it.
« Former une personne pour mettre une lampe mais aussi la former pour qu’elle puisse entretenir cette lampe. »
Pour Niang, le défi du développement de l’Afrique se situe aux niveaux de plusieurs éléments. Le premier est l’investissement d’impact. Ce nouveau motto est très lié à l’entreprenariat social. Si depuis toujours l’Afrique a fait des affaires avec des états et des entreprises à l’international, il s’avère qu’elle ne s’est pour autant pas développée. De plus le continent ne s’est jamais émancipée de l’aide publique au développement. Le défi est maintenant de collaborer avec des entreprises voir des états qui ont une mentalité différente. Aujourd’hui, les entreprises qui font les plus gros profits sur le continent redonnent au travers de la philanthropie. Il faut toutefois un investissement plus grand, il ne s’agit plus ici d’un investissement financier uniquement mais d’un investissement social, local et durable. Toute entreprise qui investit en Afrique devrait prévoir dans son cœur de métier (core business), l’investissement d’impact social. Contrairement à la responsabilité sociale, l’investissement social n’est pas négociable. Il engage l’entreprise, car s’il n’y a pas d’investissement dans la communauté, il n’y a pas de business. Cette nouvelle perspective pourrait certainement rendre les entreprises plus conscientes et responsables dans leurs actions au moment de s’établir dans un pays.
L’éducation
Sur un continent ou 60% de la population à moins de 25 ans, le système éducatif africain doit être revu dans son entièreté. Aujourd’hui encore, dans trop de pays, les universitaires africains s’enfargent dans des programmes vieux comme Mathusalem, héritages de l’ère colonisatrice. L’hérésie est que rien n’est fait pour changer la donne. Selon Niang, le mal de l’éducation se trouve à deux niveaux. La majorité de la jeunesse africaine se trouve en campagne et n’a pas eu les moyens de poursuivre l’école pour avoir une éducation minimale correcte. Grâce aux nouvelles technologies, à la télévision, cette jeunesse rêve elle aussi de lendemains meilleurs. C’est alors qu’elle s’échappe vers la ville et abandonne le travail des champs pour vivre en ville et trop souvent pour tenter sa chance sur un bateau avec très peu de chance de survie…
L’autre partie de la jeunesse africaine, la plus grande partie à l’heure actuelle, si elle arrive à s’instruire, n’est pas à même de relever les défis du présent, ni ceux du futur…. Car comme l’explique Niang, promouvoir des études de philosophie et autres doctorats, alors que le pays a besoin d’ingénieurs et de techniciens ne fait simplement plus de sens. Pour lui, il faut encourager les enfants dès leur plus jeune âge à des métiers scientifiques et techniques. Il faut les préparer à être des entrepreneurs.
Train the kids to be more engineers, doctors.
« Formez les enfants à vouloir être des ingénieurs, des docteurs. »
Lire: L’Investissement d’impact dans le secteur de l’éducation en Afrique de l’Est
Dangers de l’activisme
À plusieurs fois, le conférencier a relevé les dangers de l’activisme bavard et dénonciateur en ligne. Même s’il pense que les choses doivent changer et que l’Afrique doit aller vers plus de démocratie, il pense fermement que les jeunes africains doivent apprendre à être plus stratèges et investir dans des actions individuelles véritables pour changer les choses. Il ne suffit plus de dénoncer et d’accuser les gouvernements, africains ou occidentaux. Il est important que chacun fasse sa part pour le changement qu’Il veut voir.
Don’t be a threat for yourself for nothing.
« Évitez de devenir des cibles pour rien. »
Sautez le pas, rentrez…si non…
Vous rentrerez dans 10 ans et vous serez des étrangers dans votre propre pays.
Le nouveau résident sénégalais a encouragé les participants, en grande majorité originaire d’Afrique à retourner travailler et vivre en Afrique.
Les opportunités sont multiples sur le continent. L’agriculture, les nouvelles technologies sont l’avenir de l’Afrique. Si en Afrique, on a réussi à sauter l’étape du téléphone fixe pour passer directement au téléphone cellulaire, cela en dit long sur les changements qui peuvent être fait et réussi. Le succès des moyens de paiement par téléphone comme Wari, Moov Flooz ou m-Pesa est le début de la révolution techno qui s’annonce.
Niang en a profité pour présenter son dernier livre Memoirs of an eternal optimist. Livre dont je vous parlerais dans une prochaine chronique.
Trois phrases de choc de Niang aux jeunes de la diaspora africaine:
« What’s ever you’re doing here , it will be valuable for your country in Africa. »
« Peu importe ce que vous faites ici, cela aura de la valeur pour le pays dont vous êtes originaire en Afrique. »
What will be your blue print ?
« Que laisserez-vous à votre tour ? »
The change is you.
« Le changement c’est vous. »
La conférence de Thione Niang sur l’investissement d’impact social en Afrique, à Montréal est disponible ici. Durée: 1h56mn.
Avant sa venue à Montréal, Thione Niang était à Toronto, invité par la fondatrice de The Smart Woman, Darine BenAmara, pour parler de «l’économie sociale».
Originaire de Kaolack au Sénégal, Thione Niang immigre aux Etats-Unis avec 20$ en poche. Dans son cœur, il y a plein de rêves dont celui d’arriver à aider sa maman au Sénégal. Il y a aussi cette image de Koffi Annan dont lui a parlé son professeur au lycée. Pour lui, tout est possible dans ce pays aux possibilités illimités. Il travaille d’arrache-pied, et de petits boulots en petits boulots, il paye ses études et finit par devenir le pourvoyeur de sa famille restée au Sénégal. Thione Niang vit maintenant principalement en Afrique où il travaille sur ses fermes biologiques et sur une multitude d’autres projets.
Tres beau exposé d’une situation donnée . merci
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Merci
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